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viernes, 20 de enero de 2012

Ode à Ouanaminthe


Le concert de basse-cour a mis fin à mon long sommeil estival. Le soleil tarde encore à ouvrir ses yeux d’or. Les lampadaires du quartier illuminent le crépuscule des marchands dont les pas foulent le sol à peine arrosée de la sueur de la nuit écoulée. Les gouttes de rosée se mêlent à l’essence des fleurs déjà écloses qui embaument l’atmosphère du parfum d’Éden.

Sur la cour, une femme en sueur manipule un petit moulin. Sur un réchaud de bois bouillonne la cannelle de l’AK100. Le Café de la voisine transporte dans ma chambre tout l’arôme du Mont-Organisé. Et je sais toute suite, par la senteur du matin, quel jour on est, où je suis réveillé.

C’est à Ouanaminthe! Du temps où les vacances faisaient rêver aux écoliers, où l’on jouait encore au marbre et à la toupie; du temps des largos-délit et des cache-cache, où l’on sautait encore à la corde, et l’on jouait aux devinettes; le temps où l’on racontait des contes, et regardait Languichatte les vendredis soir; ce fut le temps où les jeunes vivaient pleinement leur jeunesse.

C’est là, le temps où les rendez-vous de l’île se donnait sur la frontière, et que les champêtres retrouvaient leur sens au Paradis. La ville d’Amor, de Septen et de Tropic. Là où Boukman Experyans a poussé ses premiers cris et que le vaudou a gravi pour la première fois un podium.    

C’est à Ouanaminthe! Là où le volley-ball semblait prendre naissance, et le football eut connu plus de talents, que l’A.S.O a connu de succès.
C’est sur ce coin de terre, perdu dans le Nord-est que j’ai vécu les plus adorables moments de ma vie. Là où l’amour m’a souri pour la première fois, où je confondais mes rêves, avec ma réalité journalière.

Massacre! triste nom pour une rivière; mais tu m’évoques tant de souvenirs agréables avec mon père, que je te dois des pèlerinages pour te remercier. Assis derrière son bécane, on se rendait tous les après-midi presque, à nous livrer dans ton lit et dans ton eau si chaude et si claire.

Seau-d’eau Canna! toi qui m’as vu perdre ma virginité, tu restes dans ma tête comme un oasis, un creuset, une de ses richesses naturelles qui fait la beauté de notre cité.

Ouanaminthe, c’est la ville des grands, c’est la ville des forts. C’est la terre des génies, un haut lieu de la mémoire.

Ouanaminthe Je T’aime!

On n’avait pas besoin de toi

On n’avait pas besoin de toi,
Et puis tu es passé
Sans t’avoir invité
À la célébration de notre misère;
Tu as mis à nu
Trop tôt ou trop tard
La réalité explosive de notre triste laideur.
On n’avait pas besoin de toi,
Et puis tu es passé
Pour nous avilir face au monde
Et faire état de la grandeur notre méchanceté;
Pour nous enseigner en vain
Les vertus de la générosité.
On n’avait pas besoin de toi,
Et puis tu es passé
Pour nous donner la nausée
De ces élites déshéritées;
Pour nous faire avaler
La honte de notre passé glorieux
Et nous faire croire
Dans le brillant avenir de la honte.
On n’avait pas besoin de toi
Et puis tu es passé
Pour  enrichir les riches
Qui nous ont appauvris
Et qui continuent à nous humilier.
On n’avait pas besoin de toi,
On ne t’aurait jamais invité
On aurait pu toujours tout secouer
Et faire tomber le système
Détruire les forteresses
Qui nous condamnent au sous-développement.
On aura plus besoin de toi.